It’s wild world (air connu)

Comment rester humain dans la jungle des villes ? La question n’est pas neuve et beaucoup y répondent en s’éloignant, en se protégeant, en essayant de renverser le rapport de forces.

A l’opposé, il y a l’attitude du Dalaï Lama qui, quand on lui demande ce que lui évoque l’injustice  du peuple chinois à son égard, répond avec un sourire DESARMANT : ils m’ont déjà tout pris, je ne vais pas en plus leur donner mon âme. Je leur envoie des pensées d’amour.

Entre les deux, oscillant de l’une à l’autre position et passant par une panoplie d’émotions déstabilisantes, une petite dame agressée refait dans sa tête le bilan d’un fait divers, devenu tellement banal. Dans les faits, pas trop grave mais blessant à un autre niveau.

Quelques heures en arrière. La station de métro Louise, 17h15. Il y a du monde sur le quai. Une rame arrive et s’arrête. Les portes s’ouvrent et, devant celle vers laquelle elle se dirige, des jeunes attirent son regard et la mettent mal à l’aise. Les derniers temps, son état de santé fragile la fait fuir l’énergie, l’arrogance, le bruit de la jeunesse dans l’exiguïté des transports en commun. Elle se dirige vers une autre porte devant laquelle il y a nettement moins de monde. Au moment où elle monte, elle se fait bousculer sans raison apparente et elle reconnaît le petit groupe qu’elle a fui. Un garçon passe devant elle en s’excusant, elle le suit du regard et sent la présence des autres derrière elle. Les portes se ferment et ceux qui sont derrière elle les rouvrent subitement en rigolant. Ils sortent et restent sur le quai dans une attitude étrange. Très proches l’un de l’autre comme s’ils se montraient quelque chose. Le métro démarre et la dame a une intuition, elle regarde dans son sac et fouille : son portefeuille a disparu.

Intérieurement, c’est la panique, les questions sur LA chose à faire : descendre, aller les retrouver, continuer son chemin, rentrer à la maison, mais non, il faut aller à la police… oui, mais où ? A Arts-Loi, elle demande conseil au guichet et on l’envoie à Rogier. C’est fermé. On lui renseigne alors le bureau de police de la gare du Nord. Mentalement, elle évalue les pertes : papiers (cartes d’identité, de banque, sis, de fidélité, bibliothèque, …) et des photos surtout. Il n’y avait pas d’argent liquide, à peine deux, trois euros en pièces. Elle a toujours son abonnement, son gsm, ses clés… Elle pense à téléphoner pour faire opposition sur la carte de banque.

Au commissariat, elle s’efforce de décrire le mieux possible cet instant fugace. Le policier lui dit que les caméras vérifieront sans doute ce qu’elle mentionne et, si les jeunes commettent d’autres délits, la cellule identification donne en général de bons résutats. Il lui laisse peu d’espoir sur la récupération des objets par contre.

A la maison, elle raconte ce qui vient de lui arriver . C’est l’occasion d’échanges sur la vengeance, les endroits qu’on fréquente, ce qu’on porte et qui peut être une tentation, la facilité de s’en prendre à un plus fragile, plus petit, de s’y mettre à plusieurs…

Elle va se coucher mais le sommeil s’éloigne devant les questions qui se bousculent. Est-elle vraiment sûre de ce qui s’est passé ? Peut-être que ces jeunes n’avaient rien à voir, que c’est sur l’escalator… Et si on les retrouve, les reconnaîtra-t-elle formellement ? Et si elle porte plainte et qu’elle se retrouve face à eux, que pourrait-elle dire pour retrouver sa dignité ?

Ronde inutile pour évacuer une tension bien réelle. Elle se sent comme l’animal affaibli du troupeau sur qui fonce le fauve.

Le lendemain, elle parvient à relativiser. Les démarches administratives pour remplacer les papiers volés sont embêtantes mais franchement, elle s’en sort bien.

Je vous écris d’une expérience peu agréable mais surmontée et n’entamant pas l’envie de regarder vers le bright side of life (air tout aussi connu).

Agathe Maldiemme